Sylvie Tschiember
“ Je vis la peinture comme réponse à l’amour de Dieu ”
A l’exposition du groupe Partage en mai 2011, organisée par la Fondation « Protestantisme et Images » que tu animes, tu as présenté « Parole indigo », une œuvre sur la Parole. Oui, nous avions décidé, dans ce groupe œcuménique d’artistes chrétiens, de travailler sur le thème du partage ; notion qui pour moi est inséparable de celle d’unité avec le Christ, et qu’est-ce qui pouvait mieux nous rassembler que le verset de l’épître aux Romains : « Nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ, et nous sommes tous membres les uns des autres ». Inspirée par les palimpsestes, j’ai écrit dans un premier temps ce verset en vingt langues pour exprimer son universalité, les versets sont imprimés à l’encre bleu indigo obtenue en additionnant des pigments et une encre bleue. Ce travail est désormais visible à l’Institut Protestant de Théologie à Paris. (Luthéro-réformée et prédicatrice, Sylvie Tschiember vit et travaille à Quimper) |
“ Parole indigo ” © Institut protestant de théologie |
Ce n’était pas la première fois que tu travaillais sur le thème de la Parole.
C’est en effet un des thèmes fondamentaux de ma recherche. Je l’ai approfondi dans la gravure à propos des Béatitudes, et dans les installations dans le cadre de la Biennale de Lorient et du Marais Chrétien (Eglise des Billettes), où j’ai également travaillé sur le lieu : le message vient d’en haut et la Parole fait écho sur le sol. Dans « Parole indigo » toutes ces recherches – transparence de la parole, matière et couleur – semblent avoir trouvé leur unité. Couleurs, formes, signes agencés, veulent dire « ne crains pas ».
Tu parles du bleu IBK, quel est le rôle de la couleur dans ton travail ?
A l’aide des couleurs, je ne peins pas ce que je vois mais ce que je ressens. Yves Klein est un de mes peintres favoris et j’ai réalisé un polyptyque monochrome de couleur bleue, qui s’est peu à peu transformé et nuancé afin d’accueillir les stigmates rouge sang de la douleur, paradoxe du péché, de la mort, de la résurrection et du salut de l’humanité. Les fentes invitent le regard du spectateur à aller vers l’infini.
Et la couleur rouge ?
Je l’ai fuie pendant longtemps, une douleur physique m’envahissait lorsque je trempais mon pinceau dans du rouge. Je procédais par collage de papiers rouges car je désirais malgré tout cette couleur dans mes peintures, peu à peu j’ai réussi à utiliser la peinture elle-même. La couleur rouge n’ayant plus de limites ; sans frontière, elle se dirige du terrestre au céleste et inversement ; elle représente la vie, la passion.
Je veux que ma peinture apporte la paix, la sérénité, qu’elle apaise celui qui la regarde.
Est-ce aussi le cas pour les gravures ?
Avec les gravures, c’est la douleur bien souvent que je grave même lorsqu’il s’agit de dire la résurrection ou la crainte de Dieu. Elles sont le plus souvent figuratives, de couleur sépia ou noire, la technique est parfois violente : elles impliquent un travail au chalumeau ou l’utilisation de produits corrosifs comme l’acide nitrique. |
Gravures © Sylvie Tschiember |
Sais-tu ce qui motive ta création, ce qui t’incite à peindre ou à graver ?
Dans ma peinture comme dans mes gravures, une œuvre en appelle une autre : ce que je n’ai pu écrire ou peindre sur la précédente parce que la place manquait, je le dis plus tard, comme pour une prédication de l’Evangile. La force que j’ai utilisée précédemment est renouvelée, réajustée en fonction de ce dont j’ai besoin pour le dire. Je vis ma peinture comme une réponse à l’amour de Dieu. Je me sens quelquefois dépassée par ce que j’ai créé. Je suis toujours plus que ce que je pense ; je peux toujours plus que ce que j’espère, et j’exprime en peinture toujours plus que ce que je voudrais exprimer.
Entretien réalisé le 13 novembre 2011. Sylvie Tschiember participe à l’exposition « Epiphanie » du groupe Partage, organisé par Protestantisme et Images à la Galerie Lehalle, 3 rue Augereau, Paris VIIème, du 12 au 28 janvier 2012
9 février 2012