Yusuké Yamamoto
“ Le silence offre une place aux bruits qui résonnent en moi ”
Tu as 25 ans et tu vis en France depuis quatre ans. Faisais-tu de la sculpture au Japon aussi ? | |||
J’ai réalisé au Japon de petites sculptures en argile, des reliefs sur cuivre, et aussi un « Portrait de Tokyo » en cuivre émaillé, mais ce sont des œuvres que je n’aime plus beaucoup. C’est en France que j’ai vraiment commencé à travailler la céramique, quand j’ai appris à choisir la terre (porcelaine, grès, faïence) et différentes techniques de cuisson (gaz, électrique, bois, raku) en fonction des différentes possibilités qu’elles offrent (flexibilité, coloration…). | copyright : Yusuké Yamamoto |
Quel thème oriente ton travail ?
Le Silence. Un poète japonais du XIème siècle, Dainagon Kintou, a écrit : « Cela fait longtemps qu’on n’entend plus le son de la cascade. Cependant, quand le mot est évoqué, on l’entend à nouveau. » La non-existence de la cascade produit un silence, mais en même temps le bruit passé est présent à notre esprit. Cela se rapproche aussi pour moi de l’idée de l’Eternité.
Pourquoi ce thème ?
A l’origine il y a, quand j’avais seize ans, la perte d’un ami, qui m’a fait prendre conscience que la mort des autres était la plus dure épreuve de notre existence. Et j’ai cherché comment me confronter à cette angoisse. Je ne l’ai pas exprimée directement par la sculpture, mais je me suis rendu compte que je recherchais le silence intérieur aussi comme une sorte de protection contre la souffrance. Ce n’est pas un silence de protestation mais d’acceptation. En travaillant j’ai aussi pris conscience que je ne cherchais pas à évoquer toujours le même silence, mais différents silences. Il y a un silence qui n’existe que par rapport aux bruits, comme dans les tableaux de Hopper, où silence et bruit sont omniprésents. De même, tout mon travail sur les Ruines, les différentes ébauches et la grande sculpture Ruine 3, cherchent à évoquer cette présence des bruits dans le silence.
Quels bruits ?
Le silence offre une place aux bruits qui résonnent en moi. Les ruines évoquent les bruits passés de la destruction, mais maintenant la décomposition a lieu dans le silence. J’entends le même silence quand je vois, par exemple, une image de lieu dévasté. Mais je l’entends aussi quand il pleut, et ce silence devient alors une sorte de musique.
Est-ce pour cela que tu as travaillé sur le thème de la pluie, avec ta sculpture Squall (« Rafale de pluie ») ? Cette sculpture a été exposée le mois dernier dans la chapelle de l’Eglise Saint Roch, penses-tu qu’elle était en accord avec ce lieu ? Le silence de la pluie m’apaise, mais mon travail avec Squall est surtout un travail de nature spirituelle, et donc je suis heureux que le père Michel Brière ait exposé cette sculpture dans une chapelle. Même si aujourd’hui je ne me définis pas comme Chrétien, une chapelle est un lieu de silence et de prière, et cela correspond aussi à ma recherche. 2 novembre 2010 |
copyright : Yusuké Yamamoto |